À travers ses projets, la fondation renforce notamment l’accès aux soins de base de proximité et à l’éducation sur les thématiques sanitaires des populations enclavées des régions rurales africaines. De nombreux cas de Covid-19 ont été recensés dans nos pays partenaires. Compte tenu du contexte socio-politique de plus en plus difficile ainsi que des faibles couvertures sanitaires, les acteurs locaux tendent à appréhender une propagation du virus dans ces zones déjà vulnérables. Nous avons, dès lors, voulu laisser la parole à nos partenaires afin de comprendre ensemble comment mieux appréhender l’avenir.

Pour commencer cette série de témoignages, nous avons discuté avec Macky Tall, de l’AP-FFL, l’un de nos partenaires maliens. Découvrez ci-après son retour du terrain :


Quel sentiment règne au Mali ?

Le sentiment des populations après l’apparition des premiers cas du virus au Mali se caractérise par une phobie générale. L’apparition du virus a surpris les populations. Au Mali, comme partout ailleurs, les échanges sur les réseaux sociaux et les radios communautaires n’ont pas facilité la prise de conscience : maladie venue de l’étranger, non-présente dans les pays chauds, thérapie possible grâce à telle ou telle plante…

Une partie de la population doutait même de la véracité des informations données par le Ministère de la Santé sur les cas positifs. À ce stade, la région de Ségou n’est pas encore touchée. Le principal foyer est le District de Bamako, la région de Kayes (forte région de migration) et, depuis peu, le cercle de Kati. La population est gagnée par un sentiment de peur, notamment vis-à-vis de le hausse des prix, et surtout à la veille du mois de carême.

En effet, les populations ont peur de ce virus, considéré comme très contagieux. Cela se manifeste dans les rapports sociaux où les gens ne se serrent plus les mains, moins de contacts physiques, l’utilisation accrue du savon et des produits désinfectants. Ce virus en comparaison aux autres maladies, est considéré comme un problème de santé publique prioritaire.

Des difficultés de respect des comportements barrières sont perceptibles et sont souvent dénoncés au niveau des marchés et des transports en commun ou lors de certaines cérémonies (baptême, mariage, enterrement etc.).

Les jeunes de Ségou, quant à eux, ressentent une panique face à cette situation et se replient sur eux-mêmes, se caractérisant par l’arrêt de toutes les activités sportives, la fermeture des clubs de loisirs, l’interdiction de tout regroupement de plus de 50 jeunes.

Le quotidien des jeunes a-t-il changé ? 

Le quotidien du personnel et des enfants a connu de légères adaptations, à savoir :

  • Renforcement du système de lavage des mains
  • Dotation des enfants en kits de protection et de produits désinfectants
  • Respect des normes de distance des enfants en salle d’animation
  • Réaménagement des dortoirs et du réfectoire du Foyer
  • Réaménagement des programmes d’activités sportives : suppression des activités de football et de basketball, au profil du tennis de table

Comme autres mesures prises par l’Etat, nous notons l’instauration d’un couvre-feu allant de 21h à 5h du matin ; l’état d’urgence sanitaire, la fermeture des écoles et le changement des horaires de travail de 7h30 à 14h, sans pause. Cependant, compte tenu de la spécificité du fonctionnement du projet, la mesure de changement d’horaire n’est pas appliquée à 100% au projet. Une permanence est assurée 24/24 au niveau du Centre d’Ecoute et du Foyer.

Trois enfants continuent d’aller en atelier d’apprentissage. Ces jeunes, pour le moment, sont astreints au lavage des mains à leur retour de l’atelier : à se débarrasser de la tenue de travail, à la douche obligatoire après un 1er nettoyage à l’atelier et au port obligatoire de masque. Ce système pourra évoluer les prochains jours après accord avec les Maîtres d’atelier et les jeunes.

Un appareil fiable de prise de température a également été commandé.

Si le confinement venait à être envisagé, où connaitrait-il ses limites ?

Pour le moment, les populations maliennes ne sont pas encore soumises au confinement. Et s’il venait à être envisagé, il connaîtrait beaucoup de limites d’un point de vue socio-culturel, économique, politique, religieux et environnemental.

Ces difficultés ont été soulevées par l’Etat, dans un contexte d’économie informelle, par lequel une partie de la population vit au jour le jour, sans aucune mesure d’accompagnement possible annoncée par les autorités, contrairement à certains pays voisins.

L’Etat, en rapport avec la Chambre de Commerce d’Industrie, vient de demander de fermer les marchés, supermarchés à partir de 16 heures mais le quotidien reste préoccupant pour les transports en commun.

Quel enseignement retirez-vous de cette situation ?

L’enseignement que nous pouvons tirer de cette pandémie comprend :

  • La condition humaine
  • Le développement de la recherche scientifique
  • La solidarité partagée et les valeurs universelles

Depuis l’apparition des premiers cas de la maladie au Mali, on assiste à une augmentation injustifiée du prix des produits de première nécessité et cela malgré les efforts du gouvernement allant dans le sens du maintien des prix, surtout à la veille du mois de ramadan et des fêtes de Pâques.

En plus de cela, l’instauration du couvre-feu, de 21h à 5h au Mali, a considérablement réduit le rythme des activités économiques. À Ségou et au Mali en général, en raison de la pauvreté, la majorité des familles n’arrive pratiquement pas à assurer le quotidien. En cette période liée à la pandémie du COVID 19, cela complique davantage les choses. Le constat est que beaucoup de familles ne peuvent pas se payer le matériel de lavage des mains, le gel, le savon et faire face aux autres dépenses du quotidien.

Cette solidarité partagée au Mali se manifeste par :

  • L’appui mutuel dans le voisinage (les personnes de bonne volonté ou même des opérateurs économiques aident les familles démunies en vivres et non-vivres)
  • La contribution des opérateurs économiques aux efforts de lutte contre le Coronavirus du gouvernement malien
  • L’installation gratuite du système de lavage des mains dans les rues et sur les lieux publics pour faire bénéficier le maximum de personnes
  • La distribution dans la mesure du possible de kits sanitaires dans les familles nécessiteuses
  • La solidarité de la société civile (citoyens, associations de femmes et de jeunes…) de par ses donations pour les structures de santé, en gels, savons, masques, dispositifs de lavage de mains…

Pour terminer, je dirais que la solidarité au Mali est un comportement et un geste de tous les jours, mais elle a pris de l’ampleur en cette période si particulière.

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