À travers ses projets, la fondation renforce notamment l’accès aux soins de base de proximité et à l’éducation sur les thématiques sanitaires des populations enclavées des régions rurales africaines. De nombreux cas de Covid-19 ont été recensés dans nos pays partenaires. Compte tenu du contexte socio-politique de plus en plus difficile ainsi que des faibles couvertures sanitaires, les acteurs locaux tendent à appréhender une propagation du virus dans ces zones déjà vulnérables. Nous avons, dès lors, voulu laisser la parole à nos partenaires afin de comprendre ensemble comment mieux appréhender l’avenir.

Pour continuer cette série de témoignages, nous avons discuté avec Père Ollo, responsable de la Maison de l’Enfance de Bouaké (MEB, Côte d’Ivoire). Découvrez ci-après son retour du terrain :


Quel sentiment règne à Bouaké ?

Le sentiment qui règne, de façon générale, dans les rues de Bouaké est un sentiment d’inquiétude. À travers les médias, les gens suivent les informations. Ils voient ce qu’il se passe dans certains pays, et ils ont peur que cela n’arrive ici, étant donné que nous n’avons ni les moyens financiers, ni matériels, pour faire face à un tel fléau, s’il s’abattait  sur nous. La circulation est considérablement réduite. Des commerces sont fermés. Les gens ne vont plus à la messe, ni à la mosquée. Beaucoup espèrent qu’une solution sera trouvée dans les meilleurs délais pour éradiquer ce mal. Chacun est dans une situation d’attente.

Comparé aux autres maladies, le Covid-19 est vue comme la plus grave et la plus atypique qu’ait connu la société, non seulement car fatale, mais aussi parce qu’elle a des conséquences qui dépasse le seul cadre de la santé. Elle atteint toutes les dimensions de la vie. Aucun mal, ni problème de notre siècle n’a empêché toute l’humanité entière de sortir librement. C’est une maladie qui fait beaucoup réfléchir sur la logique du monde. Ce virus a désorganisé toutes les logiques traditionnelles. Les regards sont concentrés sur l’éradication de ce virus. La question que chacun se pose est la suivante : « à quand un vaccin ou un médicament contre ce virus ? ».

Le quotidien des jeunes a-t-il changé ? 

La situation que nous vivons actuellement était inattendue. Elle a cassé le rythme des activités des enfants, qui sont généralement actifs et pleins d’énergie. Ce qui a nécessité une adaptation des activités pour faire face à la situation qui s’est imposée et permettre aux enfants de continuer à s’épanouir. 

Il a été demandé aux enfants externes de rester à la maison et de pratiquer les gestes barrières pour se protéger contre les contaminations. Quant aux enfants en internat, ils sont restés dans le centre. Ils sont confinés pour leur éviter tout risque qui pourrait porter atteinte à leur santé. 

À l’intérieur de la MEB, ils s’occupent avec des activités socio-culturelles, des jeux de société et bénéficient des cours de soutien et font des activités manuelles. Ils ont bénéficié de la visite du psychologue pour un accompagnement psychologique, compte tenu de la situation actuelle. 

Un accent particulier est mis sur l’hygiène et la sécurité des enfants. Pour cela, un dispositif de lavage de main a été installé dans la cours pour que les enfants se nettoient régulièrement les mains, des masques en tissus ont été cousus pour chacun comme solution alternative, à défaut d’avoir des masques médicaux. Aussi, une affiche de sensibilisation a été affichée dans la cour de la MEB.

Les enfants demeurent sages et sont conscients de la gravité de la situation. Ils sont dans une sorte de sérénité innocente, mélangée à une inquiétude qui s’explique par le flou que crée ce virus sur la suite de la dynamique de leur environnement. Tout est calme dans les environs de la MEB.

La notion de confinement est-elle respectée ? Où connait-elle ses limites ?

Le confinement est nouveau pour la grande majorité de la population. Il est respecté partiellement pour des raisons diverses. Une grande partie de la population fait l’effort de rester confinée sauf pour des déplacements nécessaires, cependant, certains ne supportent pas le confinement, car malgré le couvre-feu, on retrouve des gens dans les rues. 

Par contre, d’autres aimeraient respecter les règles du confinement, mais n’ont pas le choix, car ils sont obligés de sortir pour aller travailler ou chercher de la nourriture pour faire vivre leur famille. Il est urgent qu’une solution soit trouvée, car les gens ne pourront pas vivre trop longtemps confinés. Surtout pour les familles pauvres, les petits commerçants, c’est très difficile. 

Aussi, beaucoup sont en chômage technique, car la situation économique se dégrade à plusieurs endroits. Ceux-là doivent trouver des alternatives pour nourrir leur famille. Cette pandémie a créé une situation que personne ne maîtrise jusqu’à présent.

Quel enseignement retirez-vous de cette situation ?

Cette situation est atypique, et aucun d’entre nous ne l’a jamais vécue. Elle nous rappelle en même temps la fragilité et la dimension sacrée de l’homme tout en nous invitant à la solidarité. Cette pandémie nous oblige à nous mettre ensemble, sans distinction de condition sociale, raciale ou économique. Elle nous rappelle que nous sommes tous égaux. 

Pour ma part, je pense que nous devons nous rapprocher des enfants qui, de par leur vie toute simple mais essentielle, nous enseigne le vivre-ensemble. Nous devons compatir à la souffrance de ceux qui souffrent, car ce qui leur arrive, pourrait nous arriver à nous aussi ; c’est l’humanité entière qui est menacée. 

La leçon que nous pouvons tirer de cette pandémie est que, c’est dans l’union, dans la solidarité que l’humanité est plus forte, partout où qu’elle soit. Nous sommes donc appelés à une solidarité mondiale pour éradiquer ce mal qui crée peine et misère à l’humanité. 

Seul un amour inventif et créatif, qui s’exprime dans la solidarité humaine pourra combattre ce virus. Les plus petits, les faibles, les malades, les personnes âgées doivent bénéficier de notre part d’une attention particulière.

Nota Bene : Propos recueillis le 8 avril.

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